Le Strasbourgeois Zaher Zahir rentre d’un séjour en Afghanistan où il a supervisé des actions éducatives. Des mesures qu’il juge prioritaires pour son pays d’origine.
Quel été l’objet de votre mission menée avec l’association Afrane (Amitié franco afghane) ?
Avec cette ONG qui travaille dans l’éducation nous nous sommes rendus dans la province d’Herat pour venir en aide à deux écoles : Houzékerbas qui a notamment des besoins en informatique. C’est important car ils ont l’électricité depuis 10 ans et internet a changé pas mal de choses en termes d’information et de communication.
L’autre établissement, Aboualwalid, mon école d’enfance, accueille lui aussi des garçons et des filles, du primaire jusqu’au lycée. Il y a le projet de construire un nouveau bâtiment car ici comme ailleurs, la classe se fait souvent sous tente.
Dans quelles conditions avez-vous voyagé ?
Je n’y étais pas retourné depuis six ans et le contexte s’est fortement dégradé. Le chômage et les prix augmentent. Et je me sentais vraiment en insécurité car il y a neuf bandes armées qui sévissent dans cette région du nord-ouest de l’Afghanistan. Ils ciblent les gens venus d’Europe, il fallait donc être prudent et discret.
Quel est l’état d’esprit ambiant ?
C’est l’incertitude avec deux échéances : l’élection présidentielle en avril et le départ cette année des forces armées occidentales. Sans compter les négociations menées avec les talibans qui inquiètent les gens. On craint un retour politique en arrière alors qu’entre-temps la société a évolué. On voit de plus en plus de femmes au volant et qui professionnellement détiennent des postes à responsabilité.
Un dynamisme et une volonté d’aller de l’avant qui se vérifie également dans les écoles ?
Effectivement. Mais cela n’est pas du fait du gouvernement pour qui l’éducation n’est pas une priorité. L’impulsion vient plutôt des associations et de la société civile. Car chez les enfants, même avec le ventre vide, il y a une soif de lire et d’apprendre. Dans le secteur où j’étais, 90% des enfants sont scolarisés. Et, dans ces écoles, les mauvais élèves sont rares. C’est un peu comme s’il y avait une volonté de rattraper le temps perdu. Perdu car dans la province d’Herat, longtemps poche de résistance, les écoles ont été bombardées pendant l’invasion soviétique. Perdu aussi à cause des talibans qui ensuite ont beaucoup restreint l’accès à l’éducation. Il faut aujourd’hui corriger tout cela. Le salut de l’Afghanistan passe par une éducation laïque digne de ce nom afin que les enfants d’aujourd’hui puissent à l’avenir prendre le pays en main de façon démocratique.
Une jeunesse qui en Afghanistan reste source d’espoir ?
Oui. Un exemple est particulièrement parlant : quand j’y étais en décembre dernier, la saison des vents forts était terminée. Les enfants en ont donc profité pour ressortir leurs cerfs-volants. C’est une vieille tradition afghane et qui est toujours porteuse de messages : alors qu’avant on retrouvait plutôt des mots d’amour ou de la poésie ; désormais, le terme qui revient le plus souvent c’est la paix.
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