L’Afghanistan est entré dans l’histoire du monde – ou du moins dans la conscience du monde – une première fois avec l’invasion soviétique du 27 décembre 1979, une deuxième fois au lendemain des explosions du 11 septembre 2001, quand les Américains décidèrent d’y pourchasser les réseaux terroristes de l’islamisme international. Ces deux dates ne marquent pourtant que les ultimes et sanglantes étapes d’une longue et sourde lutte politique – surnommée le «Grand Jeu» par les Anglais des Indes au XIXe siècle – livrée par les Puissances pour dominer le cœur stratégique de l’Asie : le plus souvent en pure perte. Car la chronique de l’Afghanistan depuis un demi-millénaire est aussi, voire avant tout, celle d’une résistance énigmatique et tenace contre tous les empires, où les montagnards opposent aux envahisseurs la plus déroutante des techniques de lutte : l’éparpillement en tribus et en clans, le refus de collaborer. Ainsi le pays profond sut-il toujours conserver son indépendance contre les Moghols, les Perses, les Britanniques, les Russes. Or, les plus archaïques mécanismes de combat de cette contrée que ses voisins nommaient autrefois Yâghestân, le Royaume de l’Insolence, viennent encore de prévaloir sous nos yeux : hier contre l’Armée rouge, aujourd’hui pour abattre une théocratie mafieuse aux ramifications planétaires.
Michael Barry est un auteur américain professeur au Département d’études du Proche-Orient à l’Université de Princeton. Il est spécialiste de l’Afghanistan où il a fait de nombreux voyages depuis ses 15 ans.