Editorial du N°190
Une nouvelle phase d’incertitude
Quelle catastrophe ne s’est pas encore abattue sur l’Afghanistan ? Nos lecteurs connaissent tout ce qu’a traversé l’Afghanistan depuis 50 ans entre coups d’Etat, périodes de violences extrêmes ou de totalitarismes rouges ou noirs. Les périodes d’accalmie ont été de courte durée. Et voici cette année le renvoi forcé en Afghanistan de millions d’exilés qui se retrouvent comme exilés dans leur propre patrie. Puis le terrible tremblement de terre dont on ne sait finalement que peu de choses du fait qu’il s’est déroulé dans une région éloignée, que les journalistes étrangers ne peuvent plus guère se rendre en Afghanistan, et que de toute façon les médias passent vite d’une crise à l’autre.
C’est de ces deux drames que ce numéro rend compte. Plus longuement en publiant des témoignages poignants et des analyses sur les exodes forcés. Plus brièvement concernant le séisme, car nous n’avons pas pu recueillir des récits avant le bouclage de ce numéro.
Et voilà que les talibans s’en prennent à Internet, outil insupportable permettant cette liberté d’expression diabolique. « Nulle contrainte en matière de religion », peut-on lire pourtant dans le Coran (II, 256). Ce verset a dû échapper au chef des talibans qui multiplie les interdictions et renforce quotidiennement les pouvoirs de la police religieuse.
Nous n’avions pas la possibilité dans ce numéro d’évoquer autrement qu’au travers de ces lignes, les différentes péripéties relatives à l’interdiction, puis à la réouverture d’internet. Qu’il nous suffise de dire combien cet événement est sérieux. Pendant 48 heures il a plongé le pays dans la stupeur et l’angoisse. Plus de contacts possibles entre les personnes, plus d’accès à des informations, mais aussi plus d’accès à de l’argent : les banques ne fonctionnaient plus, et il n’était plus possible de recevoir de l’argent des membres de la famille vivant à l’étranger, cette unique source de revenus pour beaucoup de foyers afghans. Au lieu de cela, la rumeur. Quand il n’y a plus d’informations, c’est la rumeur qui s’impose. Qui est derrière la décision ? Quels désaccords au sein de la sphère dirigeante révèle-t-elle ? Que va-t-il se passer ? Et si cela dégénérait ? Autant de questions, autant de craintes ravivant les angoisses des années terribles.
Il serait faux de croire que le rétablissement d’internet deux jours après sa coupure aura effacé le traumatisme. Car maintenant chacun sait que cela peut revenir. Que des idéologues fous peuvent prendre le dessus dans les bras de fer en cours. La population était désespérée, mais quelque part fataliste. La voilà à nouveau stressée et sur le qui-vive. Quels sentiments de révolte cela peut-il faire naître en elle ?
J’ai l’habitude de terminer mes éditoriaux par une note positive. C’est dans les gênes d’AFRANE de croire qu’il reste toujours une lueur d’espoir. C’est ce qui la motive à agir. Cette lueur d’espoir je la trouve en page 8 : « Ils nous ont pris nos écoles mais pas nos rêves ». déclare une de ces nombreuses jeunes filles toujours avides d’apprendre. « Moi, j’étudie tout le temps. »
Etienne GILLE
Le 3 octobre
Sommaire
Actualité
Tremblement de terre en Afghanistan : les faits
L’Afghanistan est situé sur une zone de fracture y rendant les tremblements de terre très fréquents1. Déjà Gobineau situait dans l’Hindou-Kouch une de ses nouvelles où une personne fuyant la mort se retrouvait victime d’un tremblement de terre. La terre tremble souvent, légèrement, à Kaboul. Mais cet été le séisme a été particulièrement violent.
Une population entre silence, survie et dignité
par Chela NOORI
Chela Noori vient d’effectuer un voyage de 7000 kilomètres dans son pays natal. Elle a parcouru le pays d’est en ouest et visité villes et campagnes. Elle en revient avec l’image d’un pays désolé, souffrant, mais qui garde toute sa dignité dans une forme de résistance silencieuse.
Femmes
Témoignages d’enseignantes de classes informelles
par Carol MANN
Dossier : MIGRATIONS
Les réfugiés afghans dans la tourmente
par Etienne GILLE
Entre expulsions massives et crise humanitaire
par Capucine ROUSSEL
Depuis près de deux ans, l’Afghanistan subit l’un des plus importants retours forcés de population de son histoire récente. Le Pakistan et l’Iran, principaux pays d’accueil, ont durci leurs politiques migratoires, poussant des millions d’Afghans vers la sortie. Selon l’ONU, au mois d’août plus de 4 millions de personnes avaient déjà regagné leur pays depuis septembre 2023, dont 1,5 million rien qu’en 2025. Une vague sans précédent qui plonge Kaboul et les grandes villes dans une crise sociale et humanitaire profonde.
Les retours forcés, un désastre humanitaire
par Marjolène BOS
Le retour contraint en Afghanistan de centaines de milliers de personnes depuis à la fois l’Iran et le Pakistan, sans doute bientôt trois millions, fait peser sur le pays un poids considérable qui aggrave encore la situation des familles.
La politique iranienne à l’égard des réfugiés afghans
par Faryaneh FADAEIRESKETI
Dans les semaines qui ont suivi le conflit Iran-Israël de juin 2025, une nouvelle crise s’est produite à la frontière orientale de l’Iran. Le gouvernement iranien a lancé une vaste campagne d’expulsions visant les ressortissants afghans sans papiers, les accusant d’être en lien avec les services de renseignement israéliens et de fabriquer des drones à l’intérieur du pays.
Les exilés afghans en Iran
par Zaher DIVANTCHEGUI
Avant le coup d’État d’avril 1978, l’Afghanistan n’avait pas connu de vagues d’émigration relativement stable et, dans l’ensemble, les Afghans n’éprouvaient pas le besoin de quitter leur pays, même si la vie économique était assez rude. Il n’en est plus de même depuis les années 70. La nécessité de migrer ou les renvois successifs ont touché des millions de personnes. Mais la souffrance des exilés ne se traduit pas seulement en statistiques. Elle s’exprime aussi dans les écrits, dans les cris des poètes.
L’angoisse des réfugiés afghans au Pakistan
témoignage d’une jeune femme résidant à Islamabad
Certains s’étonnent que les migrants afghans en Europe soient essentiellement des hommes. Sans doute ignorent-ils que les femmes qui se réfugient au Pakistan ou en Iran ont le plus grand mal à obtenir des visas dans un pays européen. Elles se retrouvent dans des situations très précaires.
Humanitaire
Soutien aux orphelinats de Parwân
par Andréa LETOUBLON
Entrer dans un orphelinat afghan est une expérience bouleversante. Les enfants qui y sont regroupés ont forcément eu un parcours difficile. Et pourtant, quand vous arrivez, la plupart vous tendent la main avec une spontanéité désarmante. Bienvenue chez nous veulent-ils nous signifier. Touché par leur accueil et leurs besoins, AFRANE a commencé à leur apporter une aide qui pourra leur permettre de grandir humainement et intellectuellement.
Un thé vert avec David Chaffetz
Le feeling afghan de l’étudiant américain
par Régis KOETSCHET
Afghans de France
Pas facile de recommencer sa vie
propos recueillis par Frédéric PINTO et Cécile MEUNIER-JUST
Quand on arrive en France, il faut repartir à zéro. On doit accepter des conditions de vie inattendues et précaires. Mais peu à peu il est possible de se faire un chemin. Dur, dur, l’intégration !
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