Editorial du N°183
Quel espoir ?
Les vœux que nous échangeons en chaque début d’année peuvent paraître parfois bien vains. On se souhaite pêle-mêle une bonne santé, la paix dans le monde, moins d’injustices, une année meilleure que la précédente, tout en sachant qu’elle sera peut-être pire, tout au moins selon nos critères humains.
En Afghanistan, la situation pourrait-elle être pire ? pourrait-elle être meilleure ? Mon récent séjour « là-bas » me laisse perplexe, habité par des perceptions contradictoires. Le pays semble tranquille avec une présence armée des talibans relativement discrète. Et je me demandais : comment si peu de postes de contrôle (je ne voyais sans doute que la face émergée de l’iceberg) réussissent-ils à contenir une population globalement hostile ? Hostile peut-être mais apparemment quelque peu résignée. Car la vie continue comme si de rien n’était. Et l’économie semble fonctionner, avec sa circulation intense à l’abord de Kaboul, ses embouteillages de week-end entre Djalalabad et Kaboul, ses grands travaux (canal de Qoch Tepa, rénovation du tunnel du Salang, voies de circulation à Kaboul), un taux de l’afghani (la monnaie afghane) plus que solide, des prix contenus, des exportations de charbon vers le Pakistan en progression, une floraison de mosquées etc. Avec en arrière-plan cependant la question de l’environnement et les problèmes liés à l’eau que nous commençons d’investiguer dans ce numéro.
D’un autre côté, de la misère, des professeurs qui attendent impatiemment qu’on leur donne un peu de farine, des mendiants et puis cette blessure profonde que représente pour tous l’interdiction faite aux filles d’aller à l’école après l’école primaire. Et j’ai ressenti surtout un fossé profond entre les gens et « eux », cette caste enturbannée qui règne par la peur et que l’on ressent un peu comme des occupants. Cependant le message que nous renvoient (pages 22 et suivantes) les jeunes filles interrogées sur les moyens d’instaurer une paix véritable n’est pas un message violent. Elles disent juste comme condition à un avènement d’une telle paix : laissez-nous apprendre.
Hostile ? Résignée ? La population afghane, tout au moins celle que j’ai rencontrée, m’est apparue plutôt en attente. Avec le sentiment diffus que cela ne pourrait pas continuer longtemps comme cela. J’ai constamment demandé aux uns et aux autres, plus souvent d’ailleurs aux unes et aux autres : « avez-vous encore de l’espoir ? » Et la réponse générale a été : « oui, car on ne peut pas vivre sans espoir ».
Reste donc une espérance, indéracinable. Une espérance qui nous interpelle muettement : restez avec nous durant cette nuit, en attendant l’aurore. Restez avec nous et ne vous contentez pas de vœux pieux : retroussez vos manches.
Etienne GILLE
Le 28 décembre 2023
Sommaire du N°183
ActualitéHelmand
Quelques échos d’Afghanistan
par Etienne GILLE
Après trois ans d’absence Etienne Gille vient d’effectuer un court séjour de trois semaines en Afghanistan. Il fait part ici de ce qu’il a ressenti tout au long de ce voyage.
Le canal de Qoch Tepa
par Jonathan CHEMLA, Philippe MARQUIS, Mehail SAROUFIM et Yves UBELMANN
Alors que le partage des eaux de l’Helmand est un problème qui a agité le monde politique afghan depuis un siècle, le creusement très rapide du canal de Qoch Tepa pour utiliser les eaux de l’Amou Daria afin d’irriguer le nord du pays a surpris bien des observateurs et peut être un sujet de conflit avec des pays comme l’Ouzbékistan. C’est aussi l’attribution des terres ainsi irriguées qui fera question.
Le partage des eaux de la rivière Helmand, objet de dispute entre l’Iran et l’Afghanistan
par Alain MARIGO
Alors que la sécheresse sévit dans la région, touchant à la fois l’Afghanistan et l’Iran, la question du partage des eaux de la rivière Helmand qui, après avoir été abondée par une bonne partie des rivières du sud de l’Hindou-Kouch, se perd dans les sables du Séistan iranien, revient à l’ordre du jour et fait partie du contentieux qui oppose les deux pays.
Droits de l’homme
La répression et la résistance sous les talibans
par Ali VAEZI
En réponse à l’interdiction faite aux jeunes filles d’aller à l’école, de nombreux cours privés se sont créés, animés le plus souvent par des bénévoles, avec le soutien ou la complicité de la population représentée par les chouras villageoises. La police des talibans veille cependant. Parfois elle ferme les yeux quand elle ne veut pas s’affronter trop frontalement aux gens, mais parfois aussi elle sévit.
Société
Lutter contre l’ignorance pour parvenir à la paix
par Zahra ATEFI
Les luttes armées fratricides et des politiques désastreuses ont conduit l’Afghanistan dans la situation actuelle. Faut-il désespérer ? Pour Zahra Atefi, un autre combat doit être mené, le combat pour la connaissance.
Comment parvenir à une vraie paix selon des jeunes Afghanes
Suite à un questionnaire envoyé aux élèves de quatre centres scolaires informels de Dacht-e Bartchi à Kaboul, 107 adolescentes ont répondu à la question suivante : « Selon vous, que faut-il faire pour parvenir à une paix réelle et stable en Afghanistan ? »
Un thé vert avec
La création artistique comme un cri et un appel à la solidarité avec l’Afghanistan
Un thé vert en hommage à la résistance culturelle franco-afghane
par Régis KOETSCHET
La lecture de cet article vous est offerte en ligne.
Afghans de France
Chant de l’âme afghane : Parwin Raoufi, chanteuse afghane
par Florence ROUSSIN
Les talibans n’aiment pas que les femmes sortent de la sphère privée et ils interdisent la musique. Parwin Raoufi enfreint ces deux interdits. En se produisant en public elle défend à la fois les femmes et la culture. Pour le plaisir des auditeurs.
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