Couverture du N°168 des Nouvelles d’Afghanistan

Editorial du N°168, par Philippe Bertonèche

Confinement sanitaire et impasse institutionnelle

Depuis plusieurs semaines notre esprit est complétement occupé par la catas­trophe sanitaire qui envahit le monde et encore plus depuis que nous sommes confinés chez nous. Les médias ne parlent plus que de ce cette épidémie et ses conséquences humaines mais aussi économiques. On voit réapparaitre les ferme­tures de frontières, les égoïsmes (attitudes non respectueuses des autres, refus de se conformer à des règles strictes), l’entre-soi et l’abandon des personnes n’ayant pas les moyens de se protéger (SDF, migrants). A ce titre, il n’est probablement pas surprenant que l’Afghanistan soit à nouveau sorti des écrans. Les informa­tions sur l’épidémie sont très rares. Certaines indiquent des retours massifs de réfu­giés afghans en provenance d’Iran où l’épidémie semble très importante, d’autres sources prédisent une catastrophe sanitaire d’ampleur en Afghanistan du fait de l’état général des hôpitaux dans le pays. Les seules mesures connues et sûres pour le moment sont la fermeture des écoles et des universités et l’interdiction des festivités (mariages, Naorouz).

La situation en Afghanistan avait attiré l’attention de la communauté internatio­nale en toute fin du mois de février avec l’accord entre les Etats-Unis et les Tâlebân, présenté par certains comme une chance pour la paix dans ce pays meurtri par la guerre depuis bien trop longtemps. Devant déboucher sur un départ échelonné de troupes américaines (ce qui a manifestement commencé si l’on en croit certaines dépêches. Mais n’était-ce pas un des objectifs prioritaires des Etats-Unis ?), cet ac­cord devait enfin, pourrait-on dire, ouvrir une période de négociation inter-afghane.

Malheureusement c’est à ce moment-là que le résultat définitif des élections prési­dentielles a été proclamé par la Commission électorale Indépendante, mais immé­diatement contesté par le candidat arrivant en deuxième position, Abdullah Abdul­lah. Aujourd’hui l’Afghanistan a deux présidents qui se sont proclamés le même jour et qui veulent l’un et l’autre nommer un gouvernement. Remake de 2014 ou nouvelle crise institutionnelle grave ? Pour le moment plus rien ne se passe et les négociations inter-afghanes qui devaient démarrer le 10 mars sont bloquées faute d’une délégation constituée par le gouvernement afghan et faute également d’accord sur le processus de libération des prisonniers tâlebân d’un côté et des prisonniers des forces gouvernementales de l’autre, l’accord Etats-Unis – Tâlebân n’ayant pas été validé par le gouvernement afghan.

Le cri de colère ou de révolte de Chahir Zahine dans les colonnes de ce numéro des Nouvelles d’Afghanistan « Allons-nous échouer à nouveau ? » rentre malheu­reusement tout-à-fait dans cette actualité. Même si les négociations entre les Tâle­bân et les Etats-Unis, qui ont abouti à l’accord signé à Doha, se sont déroulées en l’absence du gouvernement afghan, à notre connaissance reconnu internatio­nalement et légitime, il serait risqué qu’il n’y ait pas rapidement une clarification institutionnelle à la tête de l’Afghanistan pour pouvoir représenter le pays dans la négociation interafghane prévue par l’accord et ne pas laisser le champ totalement libre aux Tâlebân, avec les Etats- Unis grand organisateur du jeu.

Philippe BERTONECHE
27 mars 2020

Sommaire du N°168 des Nouvelles d’Afghanistan

Actualité politique

Un accord en trompe l’œil et qui ne résout rien
par Etienne GILLE  
La double incertitude créée par la signature d’un accord étrange entre les Etats-Unis et les Tâlebân le 29 février et par le désaccord à la tête de l’Etat entre Achraf Ghani et Abdullah Abdullah entraîne la plus grande inquiétude sur l’avenir de l’Afghanistan.

Allons-nous échouer à nouveau ?
par Chahir ZAHINE
Les Nouvelles d’Afghanistan ne peuvent pas commenter au jour le jour l’évolution de la situation politique afghane. Prenant un peu d’altitude, Chahir Zahin constate la faillite des élites afghanes et tire la sonnette d’alarme. Il sera bientôt trop tard pour trouver des solutions.

Femmes

Un marathon à Band-e Amir
par Yvane MARBLE
La région de Bâmyân possède la particularité en Afghanistan d’être sûre. Les femmes y bénéficient aussi d’une assez large liberté. C’est dans cette province que se déroulent des compéti­tions sportives internationales. Yvane Marblé nous raconte le mara­thon pas banal qu’elle y a couru.

Culture

Kharmohra, l’Afghanistan au risque de l’art
par Guilda CHAHVERDI  
Une exposition s’est tenue au MuCEM à Marseille du 22 novembre 2019 au 1er mars 2020. Elle a mis en valeur onze artistes afghans, vivant en Afghanistan ou à l’étranger, avec ce questionnement : quelles possibilités de créer en temps de guerre et d’insécurité ? Guilda Chahverdi, commissaire de l’exposition, nous parle de la signification de cet événement.

Histoire

Le massacre de Kerala
par Gilles ROSSIGNOL  
Le 20 avril 1979, en représailles d’actions d’un groupe de résistants, la population masculine du village de Kerala (province de Kounar) est massacrée par un commando d’élite du régime communiste. On dénombrera 1260 victimes. Un des responsables présumés, arrêté aux Pays-Bas en 2015, a été libéré par la suite, faute de preuves.

Les premiers mois du règne d’Ahmad Châh Dorâni
par Zia FARHANG
Nous poursuivons ici la publication de l’étude par Zia Farhang des circonstances ayant entouré l’avènement de ce que l’on considère comme l’Afghanistan moderne.

Les deux séjours d’un diplomate allemand à Kaboul, à 54 ans d’intervalle
par Ravan FARHADI  
Connaissant l’animosité des Afghans à l’égard des Anglais, les Allemands avaient essayé en 1915 de faire basculer l’Afghanistan dans leur camp1. Ravan Farhadi a souhaité partager avec Les Nouvelles d’Afghanistan ses souvenirs concernant le retour étonnant à Kaboul, 54 ans après, d’un des principaux acteurs de cet épisode.

Un thé vert avec

Le jardin secret afghan d’Hubert Védrine
Portrait effectué par Régis KOETSCHET
Ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement Jospin, sous Jacques Chirac, Hubert Védrine a un attachement particulier pour l’Afghanistan. Régis Koetschet s’est entretenu avec lui.
La lecture de cet article vous est offerte en ligne.

Hommage

Hommage à Séverin Blanchet
par Régis KOETSCHET  
Il y a dix ans mourait Séverin Blanchet, cinéaste, victime d’un attentat revendiqué par les Tâlebân, contre son hôtel. Il faisait des missions dans le cadre des Ateliers Varan pour former des documentaristes afghans. Un hommage lui a été rendu le 26 février dernier aux Ateliers Varan. Nous reproduisons ici le texte de l’allocution faite par Régis Koetschet, ancien ambassadeur.

Dernières nouvelles

Chronologie (décembre 2019 – février 2020)
Brèves économiques
La Cour Pénale Internationale
Articles
Notes de lectures

L’accueil de deux lépreuses

Le CEREDAF vient de publier un livre relatant la « vie donnée » d’Habib Rostam, un étudiant afghan qui retourna dans son pays en 1981 pour y agir en faveur du développement. Nous en extrayons les lignes sui­vantes sur l’accueil que lui et son épouse réservèrent à deux lépreuses. Aujourd’hui, la lèpre a été éradiquée en Afghanistan.

Pour vous abonner, suivez le lien!