Selon un rapport d’Human Rights Watch publié le 30 novembre les forces tâlebân auraient procédé à l’exécution sommaire ou à la disparition de plus de 100 ex-agents de la police et du renseignement (seulement dans les quatre provinces où l’organisation a enquêté) depuis leur prise du pouvoir le 15 août, en dépit de l’amnistie proclamée.

Ce rapport de 25 pages, intitulé « ‘No Forgiveness for People Like You,’ Executions and Enforced Disappearances in Afghanistan under the Taliban » (« “Pas de pardon pour les gens comme toi” : Exécutions et disparitions forcées en Afghanistan sous le régime des tâlebân »), rend compte des meurtres ou des disparitions dont ont été victimes 47 anciens membres des Forces nationales de sécurité afghanes qui se sont rendus ou étaient détenus par les tâlebân entre le 15 août et le 31 octobre. Parmi les victimes figurent des membres du personnel militaire, des policiers, des agents des services de renseignement et des miliciens. Human Rights Watch a rassemblé des informations fiables sur plus de 100 meurtres commis dans les provinces de Ghazni, de Helmand, de Kandahar et de Kunduz.

« La promesse d’amnistie faite par les dirigeants talibans n’a pas empêché les chefs locaux d’exécuter sommairement ou de faire disparaître d’anciens membres des forces de sécurité afghanes », a déclaré Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie de HumanRights Watch. « Il incombe aux talibans d’empêcher d’autres meurtres, d’obliger les personnes responsables à répondre de leurs actes et d’indemniser les familles des victimes. »

Les dirigeants tâlebân avaient ordonné aux membres des unités de forces de sécurité s’étant rendues de venir s’inscrire pour obtenir une lettre garantissant leur sécurité. Mais les forces tâlebân ont exploité ces listes pour procéder à la détention et à l’exécution sommaire ou à la disparition de ces personnes quelques jours après leur inscription, laissant aux proches ou aux communautés le soin de retrouver leurs corps.

Dans la province du Nangarhar, les tâlebân se sont aussi attaqués à des personnes accusées de soutenir l’État islamique au Khorassan (Daech). Une grande partie des personnes assassinées dans ce cadre ont été tuées pour leurs opinions salafistes ou pour leur appartenance à certaines tribus.

Le 21 septembre, les tâlebân ont annoncé la création d’une commission chargée d’enquêter sur les signalements de violations des droits humains, de corruption, de vol et d’autres crimes. Mais cette commission n’a fait part d’aucune enquête sur les meurtres signalés. Dans une réponse adressée le 21 novembre à la suite des conclusions de Human Rights Watch, les tâlebân ont affirmé avoir relevé de leurs fonctions les individus responsables de violations, sans fournir d’information corroborant leur déclaration.

A la suite de ce rapport impressionnant par sa précision, un certain nombre de pays ont publié samedi 4 décembre un communiqué relatif à des exécutions sommaires auxquelles auraient procédé les tâlebân. « Nous sommes profondément préoccupés par les informations faisant état d’exécutions sommaires et de disparitions forcées d’anciens membres des forces de sécurité afghanes, comme l’ont documenté Human Rights Watch et d’autres », est-il écrit dans le communiqué.

« Nous soulignons que les actions présumées constituent de graves violations des droits humains et contreviennent à l’amnistie annoncée par les tâlebân », a déclaré le groupe de pays, appelant les nouveaux dirigeants afghans à garantir que l’amnistie soit appliquée et « maintenue dans tout le pays et dans tous leurs rangs ».

Outre les États-Unis et l’Union européenne, les signataires du communiqué sont l’Allemagne, l’Australie, la Belgique, la Bulgarie, le Canada, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, le Japon, la Macédoine du Nord, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et l’Ukraine.