Témoignage d’Hoda Saifi,

Jeune Afghane installée en France avec sa famille.

 

Hoda Saifi, jeune collégienne en classe de 3ème à Camille Sée (Paris 15ème), est venue nous rejoindre une semaine dans nos locaux de la Main d’Or pour réaliser son stage d’observation de Troisième. En 2007, Hoda part s’installer avec ses parents et ses sœurs à Paris, après plusieurs années passées dans sa région natale d’Asie centrale. Elle nous raconte sa vie de jeune Afghane à Kaboul, entre les cours et les sorties.

« Dans notre lycée, il y avait une bibliothèque, je n’y suis allée que deux fois »

« Mes parents ont quitté l’Afghanistan à cause de la guerre. Je suis née au Pakistan, à Peshawar. En 2002, lorsque j’avais 4 ans, nous sommes repartis à Kaboul. Mon père était professeur de français et ensuite il a travaillé dans une ONG avec des Français.

Dans ma famille quelques-uns de mes oncles parlaient aussi français car ils avaient fait leurs études à Esteqlal. C’est donc pour cela que j’ai été au lycée Malalai [lycée de filles francophone de Kaboul] pendant mes trois années de primaire, où j’ai appris à dire quelques mots en français comme « bonjour », « je m’appelle ». On avait cours que le matin. Notre classe était équipée, il y avait des chaises et des pupitres. Il y avait même des affiches de la petite souris verte, on avait appris la chanson. Dans notre lycée, il y avait une bibliothèque, je n’y suis allée que deux fois, c’était plus pour les lycéennes. Il y avait aussi des plateformes sportives, beaucoup de verdure. Après l’école, je ne faisais pas grand-chose. La plupart des enfants de mon âge sortait dans la rue mais ma mère ne voulait pas, hors de question. Quand j’allais faire les courses avec ma tante en voyant tous ces enfants dans la rue, je pense que je suis une privilégiée.

On avait un taxi qui déposait ma mère, ma petite sœur et moi devant le lycée et devant l’hôpital où travaillait ma mère. Je me souviens, un jour comme les autres, on a entendu un gros boom. Je pensais que c’était une grosse pierre tombée du ciel. Une explosion a eu lieu dans une agence de photos, près de notre lycée. Ma mère et moi n’étions pas très loin, on l’a échappé de peu. Le travail de mon père comportait beaucoup de risques, ses collègues et lui allaient dans des endroits pas très sécurisés, où les étrangers n’étaient pas les bienvenus. Je sais que quelques-uns de ses collègues ont perdu la vie à cause de ça et des Taliban. Ils prenaient trop de risques. Alors l’ONG où il travaillait lui a proposé de migrer en France avec nous. On est parti de Kaboul en 2007. On a fait Kaboul-Istanbul-Paris en avion. Il y avait une autre famille avec nous.

 « Les autres élèves réagissent toujours de la même façon quand je leurs dis mes origines : « Ce n’est pas trop dur la guerre ? » Ils n’ont que cette image-là en tête. »

Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de notre arrivée. C’était nouveau pour moi, mais j’étais petite alors je ne comprenais pas grand-chose. Je n’ai pas eu un très grand choc. Au début on habitait dans un « foyer » avec d’autres familles, le temps de savoir si on était acceptés [en France]. On n’est pas restés très longtemps. J’ai été dans une classe spéciale pour apprendre le français et j’ai eu un an de retard, ma petite sœur est directement partie en CP. Mon père a trouvé du travail assez vite, il parle très bien le français. Ensuite pas grand-chose … J’ai été en primaire et au collège comme tout le monde, j’ai réussi à m’adapter. On est aussi parti à Prague, Londres, Francfort voir mes oncles et tantes.

Les autres élèves réagissent toujours de la même façon quand je leurs dis mes origines : « Ce n’est pas trop dur la guerre ? » Ils n’ont que cette image-là en tête. Mais on ne s’est jamais moqué de moi pour ça.

Depuis 2007, on est reparti deux fois à Kaboul, une fois en 2010 et cet été, en 2013. Pendant ces séjours, je suis repartie devant le lycée Malalai mais on ne pouvait pas y entrer sans une carte officielle et toutes les autorisations, d’ailleurs la rue était complétement vide, aucune voiture non certifiée ne passait. J’ai remarqué que beaucoup de gens possèdent des portables, même ceux qui vivent dans la montagne… sans compter ceux qui ont des écrans plats et autre iPad. Sinon à part ça rien (ou presque) n’a changé.

 

Je pense que je n’aurais pas eu la mentalité que j’ai maintenant si je vivais toujours à Kaboul. J’ai appris tellement de choses à l’école, grâce à la télé, etc…  Et même si j’ai de la famille là-bas, je préfère Paris. La vie est meilleure ici, l’école, tout, mais un jour j’aimerais visiter les autres villes d’Afghanistan, voir les montagnes, les paysages ».