Diplomate dans l’Orient en crise, Jérusalem et Kaboul 2002-2008
« Dans la tête d’un diplomate » : tel aurait pu être le sous-titre de ce récit, qui nous fait toucher du doigt le travail diplomatique dans sa diversité politique et culturelle, au cœur d’un Orient sous haute tension sécuritaire, celui de « l’après-11 septembre » dans deux avant-postes exposés : Jérusalem où Régis Koetschet a été consul général de 2002 à 2005 et l’Afghanistan où il a représenté la France de 2005 à 2008. Deux implantations diplomatiques insérées, comme il l’écrit, « dans un environnement de violence. Celle de la guerre et du terrorisme, des représailles, de l’occupation, de la criminalité, de la drogue. S’y ajoute la violence de la pauvreté, de l’intégrisme religieux et de la misère sociale. »
Nous voici conviés à de multiples découvertes et confrontations, car à Jérusalem comme à Kaboul, le diplomate est à la croisée d’un double cheminement, difficile, parfois baroque, souvent douloureux : l’abord d’histoires millénaires, de spiritualités ardentes, de brillantes civilisations dans l’écrin de leurs paysages. Mais aussi une histoire qui s’écrit au jour le jour, entre guerre et paix, droit et faits accomplis, développement et corruption.
La rencontre, marquée pa-r de prégnantes ignorances mutuelles, entre un monde de souffrances et d’humiliations et les exigences et les impatiences de l’action diplomatique, soulève nombre de questions et de lucides observations. On pratique presque au quotidien la complexité palestinienne, jusqu’à la mort de Yasser Arafat et l’avènement de Mahmoud Abbas et on accompagne un pouvoir afghan écartelé entre ses solidarités traditionnelles et les engagements de la coalition internationale.
Régis Koetschet, de Jérusalem à Kaboul, de Gaza à Bâmiyân, s’attache à éclairer ces différentes temporalités et les faire coïncider au service d’un objectif de dialogue et de compréhension. Mais un ambassadeur n’est pas seulement immergé dans son terrain de mission : il représente un pouvoir politique, une tradition, des intérêts, des influences, des ambitions qui peuvent prendre la forme de hâtives certitudes parisiennes, de délicates frilosités européennes ou d’un brutal réalisme de puissance. Il faut alors essayer d’expliquer, plaider une complexité dont on sait qu’elle dérange dans une approche de la vie internationale de plus en plus binaire.
Ce passionnant récit renoue avec le terrain et les acteurs de cet Orient en crise, des ruelles de la Ville sainte aux contreforts bleutés de l’Hindou Kouch ; rehaussé d’une note d’espoir portée par une vraie confiance humaniste et par une profonde empathie avec les cultures apprises dans le temps long. C’est aussi une façon vivante de découvrir la fonction diplomatique dans son quotidien et son savoir-faire.
« La diplomatie par la peau » comme la revendique l’auteur.
A propos de Régis Koetschet
Régis Koetschet, ancien diplomate français, a notamment été en poste à Tripoli, Bagdad, Islamabad et La Haye. Il a été ambassadeur au Sultanat d’Oman et au Togo avant d’être consul général à Jérusalem et ambassadeur à Kaboul. Il a, par la suite, pris part à la mise en place de la Direction générale de la Mondialisation au quai d’Orsay. Il a gardé un fort engagement avec l’Afghanistan comme membre du conseil d’administration de l’association Amitié franco-afghane (AFRANE) et contributeur régulier de sa revue Les Nouvelles d’Afghanistan. (Lire par exemple: Le jardin afghan secret d’Hubert Védrine dans les nouvelles d’Afghanistan N°168). Il est membre du Centre de recherches et d’études documentaires sur l’Afghanistan (CEREDAF). Il siège au comité Solidarité migrants de la Fondation de France et comme juge assesseur au titre du Conseil d’État à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
Régis Koetschet: Diplomate dans l’Orient en crise, hémisphères éditions, 2021. 18€.
Voir aussi sur le site de l’éditeur: Diplomate dans l’Orient en crise (hemisphereseditions.com)