Les Nouvelles d'Afghanistan 175

Editorial du N°175, par Etienne Gille

Les Afghans souffrent

Après la sidération, les questionnements. Que faire à présent ? Les informations qui viennent d’Afghanistan ne sont pas toujours faciles à décrypter. Il y a d’abord l’analyse de la situation politique. Comme cela a toujours été le cas, les tâlebân n’ont pas bougé d’un pouce sur leurs positions. Le gouvernement inclusif ? Pas de problème : nous sommes inclusifs disent-ils en exhibant quelque représentant de minorité. Les droits des femmes ? Pas de difficulté. Nous protégeons les femmes et leur sécurité est mieux assurée que jamais. Les exécutions sommaires et les disparitions ? Il n’y en a pas. Apportez-nous des preuves.

Mais comment apporter la preuve que quelqu’un a disparu ? Sûrs d’eux, ils escomptent que des fissures ne tarderont pas à apparaître au sein de la communauté internationale. Les Pakistanais sont à la manœuvre. Les Chinois s’intéressent à nouveau à la mine d’Aynak. Les Russes donnent des leçons à tout le monde mais sont sans doute bien embarrassés. Cependant, les tâlebân eux aussi sont en difficulté. Leur contrôle de la situation n’est pas complet. On parle de banditisme à Kaboul même sous les yeux des nouvelles autorités. Et que faire d’une population qui n’est pas forcément prête à se laisser mener. Des femmes notamment maintiennent courageusement une certaine pression en rappelant leurs droits.

Pendant ce temps-là la population souffre. Les rapports des organisations sont extrêmement alarmants à la fois sur la situation alimentaire et sur la situation médicale. Le système financier s’effondre, les fonctionnaires n’ont pas été payés depuis le début de l’été, il n’y a plus d’argent dans les banques. Et à nouveau cette question : Comment aider la population sans faciliter la tâche des tâlebân ? Il semble bien que les ONG peuvent apporter une partie de la réponse. Elles sont au contact des populations qui leur font confiance, davantage en tout cas qu’en quiconque d’autre. Elles ont un savoir-faire. Toutes, elles ont la volonté de continuer à être aux côtés de la population.

Il ne serait pas absurde de les y aider.

Comme nos lecteurs le savent, 2022 est l’année du centième anniversaire de l’établissement de relations entre la France et l’Afghanistan. De nombreuses figures de l’amitié entre les peuples des deux pays se mobilisent pour que tout au long de l’année des conférences, des expositions, des films soient proposés aux Français pour mieux connaître le pays des Cavaliers. Ce sera aussi l’occasion pour chacun d’exprimer solidarité et sympathie à tous les Afghans qui sont venus se réfugier en France et aussi à tous les Afghans qui souffrent « là-bas ». Nous évoquerons dans nos prochains numéros les événements qui seront organisés dans le courant de l’année. Que 2022 soit pour tous une belle année d’amitié et de solidarité.

Etienne GILLE, le 16 décembre 2021

 

Sommaire du N°175

Actualité

De nos responsabilités
par Shahir ZAHINE
On n’en finirait pas d’essayer d’analyser les causes de l’effondrement du régime instauré en Afghanistan en 2002. Shahir Zahine, pour sa part, insiste sur le fossé qui s’est creusé entre populations urbaines et populations rurales. Il pointe aussi la responsabilité de chacun pour ne pas «avoir élevé la voix» quand des décisions malheureuses étaient prises tout au long des vingt dernières années.

La crise sera-t-elle confinée à l’Afghanistan ?
par Torek FARHADI
Les femmes afghanes sont les premières à souffrir des mesures prises par les tâlebân. Mais elles sont victimes aussi des sanctions internationales. Torek Farhadi, observateur attentif de la situation politique et humaine de l’Afghanistan, s’interroge. Ces sanctions ne vont-elles pas aggraver la situation des personnes les plus vulnérables, mais aussi développer dans la région les sentiments antioccidentaux ?

Ce qui pousse les gens à l’exil
par Rahmatullah SERAT
Nous publions ces lettres de Kaboul, pourtant déjà un peu anciennes, d’abord parce qu’elles sont écrites par un Afghan vivant à Kaboul et donc témoin direct de l’état d’esprit de la population, mais aussi parce qu’elles nous semblent refléter une réalité qui n’a pas profondément changé depuis qu’elles ont été écrites : inquiétude, malaise vis-à-vis d’un nouveau pouvoir apparaissant quelque peu étranger aux aspirations de la société, grande pauvreté, désir d’exil.

Témoignage

Un long voyage
par Nasrollah ALAM
Suite à la mobilisation d’un certain nombre de personnalités du monde culturel, la France a accordé l’asile à des artistes afghans qui ont pu quitter l’Afghanistan fin août dans les conditions que l’on sait. Nasrollah ALAM parle des affres du départ et de la perte d’une partie de soi même que représente l’exil. Mais, malgré son immense tristesse, il nous confie que l’art lui permet de ne pas perdre l’espoir.
La lecture de cet article vous est offerte en ligne.

Aide humanitaire

Une aide très appréciée
par Amin BAMIYÂNI
Pour apporter une réponse, aussi modeste soit elle, aux besoins dramatiques de la population du district de Waras du sud de la province de Bamyan, en plein centre de l’Afghanistan, AFRANE a réalisé fin novembre une distribution d’aide à l’ensemble du personnel éducatif du district. Un responsable ayant apporté son concours à cette opération apporte ici son témoignage.

Société

La récolte du pavot à opium Région de Djalâlâbâd, 1972
par Alain MARIGO
La culture du pavot en Afghanistan ne date pas d’hier. Certaines régions en ont toujours produit, souvent à usage domestique, avant que le phénomène prenne une ampleur considérable ces dernières décennies. Alain et Véra Marigo racontent ici l’expérience qui fut la leur en 1972. Bien qu’ancien ce témoignage très précis garde une grande actualité. D’ailleurs, les décisions que prendront les tâlebân en ce qui concerne le pavot sont une des interrogations de l’heure.

ONG

Continuer ici ce qui fut commencé là-bas
par Dominique DUPUY
Créée en 1994, au cœur du conflit des Balkans, l’association Mères pour la Paix (MPP) a pour objectif d’aider les femmes et les enfants dans les pays en situation de conflit ou de post conflit. Sa présidente explique les programmes qui viennent d’être lancés en France en faveur des femmes d’Afghanistan nouvellement exilées.

Histoire

Le voyage d’Amanullah en France en 1928
par Valérie VITTON
Dans le cadre du centenaire de la relation franco-afghane, nous revenons dans ce numéro sur un événement marquant de cette histoire, le voyage qu’effectua en France celui qui fut l’initiateur de cette relation. Voyage hautement symbolique puisqu’il visait à renforcer l’ouverture de l’Afghanistan sur le monde extérieur en toute indépendance et à promouvoir des réformes ambitieuses, mais qui hélas aboutit à l’inverse. Pour ce qui est de la France, il s’agissait d’abord de renforcer les relations intellectuelles, mais aussi d’acquérir des savoir-faire et de signer des contrats y compris dans le domaine de l’armement.

Un thé vert avec

Antoine Paumard, directeur du Service Jésuite des réfugiés (JRS France)
L’exil et le royaume afghans de « l’homme du livre »
par Régis KOETSCHET  
Le Service Jésuite des Réfugiés, dont le sigle anglais est JRS, a un lien très fort avec l’Afghanistan. Un premier jésuite, Stan d’Souza, y travailla dans les années 70. Sur sa suggestion les Jésuites commencèrent ensuite dans les années 2000 des actions de solidarité, en Afghanistan même, mais aussi ailleurs et notamment en France avec le programme Welcome. Régis Koetschet a pris un thé très spirituel avec son directeur, Antoine Paumard, lui-même très attaché à l’Afghanistan.

Dernières nouvelles

Chronologie
50 afghanes remarquables
Un rapport d’Human Rights
Mémoire : Philippe Truze
Dernières publications
Notes de lecture

Quelques figures marquantes de cent ans de l’amitié franco-afghane
Dans notre précédent numéro nous avons publié les noms et les photos de quelques personnalités françaises ayant marqué la relation franco-afghane tout au long des cent dernières années. Voici à présent, sans prétendre à l’exhaustivité (la place nous contraint !), les noms et les photos d’un certain nombre de personnalités afghanes ayant eu un rôle particulier dans cette relation d’amitié.

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