Un numéro double spécial sur le centenaire de la relation franco-afghane

 

Editorial du N°179

Trouver un nouvel élan

100 ans ! Cela fait cent ans que les peuples français et afghan sont entrés dans une relation d’affection mutuelle ! Un tel anniversaire nécessitait bien un numéro exceptionnel des Nouvelles d’Afghanistan. Il en faudrait même plusieurs tant furent riches et fécondes ces cent années de relations franco-afghanes. Cette fois nous n’avons pas repris une narration des grands moments de la coopération. On pourra trouver dans le numéro 58-59 des Nouvelles d’Afghanistan un dossier avec des articles approfondis sur les grands secteurs dans lesquels des experts français se sont investis avec compétence et souvent avec succès : archéologie, éducation, droit, médecine et pharmacie, géologie, culture du coton, projets industriels, aide humanitaire. On trouvera aussi d’autres contributions dans le livre « 90 ans de relations France-Afghanistan » publié par le CEREDAF, fruit d’un colloque qui s’est tenu les 16 et 17 mars 2012.

Nous avons opté dans les pages qui suivent pour des textes plus intimistes, pour des « regards » sur cette relation incroyable qui rend depuis tant d’années si proches Afghans et Français. Des analyses, certes, mais plutôt des évocations, des émotions, des coups de cœur, et beaucoup d’amitié. Les textes entrent en résonance les uns avec les autres en évoquant par exemple les mêmes figures dont certaines inattendues : Jules Verne, Malraux, Pompidou… Tous les acteurs de cette belle histoire, de cette grande histoire, ne sont pas cités. Il faudrait en dire plus sur beaucoup d’entre eux. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans les numéros à venir. Et en feuilletant les numéros passés, les lecteurs intéressés pourront trouver beaucoup d’articles évoquant les grands noms de l’aventure franco-afghane.

Si je jette un regard rétrospectif sur ces cent ans, j’y distingue de manière très subjective, et peut-être injuste, trois grandes phases, trois grands moments : celui des pionniers, des fondateurs, avec bien sûr Foucher (dont Philippe Marquis fait le portrait en introduction de ce dossier), mais aussi Girard, Momal, les Fraissé, les Hackin…. Puis, ce que l’on pourrait appeler l’âge d’or, autour de 1968 avec les accords de coopération, la construction d’un splendide lycée Esteqlâl, les multiples missions scientifiques, agricoles et médicales. Les noms qui me viennent à l’esprit : Serge de Beaurecueil, le « padar » de tant d’Afghans, M. et Mme Laurent, Hadi Naïm, le Père de Lapparent, les médecins, les infirmières, tant et tant d’amis de l’Afghanistan qu’on ne peut tous énumérer. Cette époque prit fin peu après 1974 quand un certain « réalisme » conduisit le gouvernement français à faire des économies.

Le troisième grand moment fut bien sûr paradoxalement celui des années noires de l’occupation soviétique, de la guerre civile, de la première période talibane. Nous n’étions plus dans un temps où les acteurs intervenaient dans le cadre d’accords intergouvernementaux, mais dans celui d’une solidarité de peuple à peuple. Grand moment de fraternité, qui s’est prolongé jusqu’à aujourd’hui. La signature en 2012 d’un traité d’amitié et de coopération entre la France et l’Afghanistan ne s’est malheureusement pas traduite par un regain d’engagement de part et d’autre. Au contraire, et malgré parfois de bonnes paroles, c’est plutôt à un désengagement progressif qu’on a assisté.

« Et maintenant on va où ? ». Beaucoup des auteurs de ce dossier ne se résignent pas à l’inaction. Au-delà des vœux pieux, certains en appellent à l’imagination et proposent des pistes. Beaucoup d’Afghans désolés mais créatifs vivent à présent en France. A nous, avec eux, de poursuivre le long chemin de l’amitié.

Etienne GILLE, le 19 décembre 2022

 

Sommaire du N°179

Introductions

La France et l’Afghanistan
par Pierre LAFRANCE
L’Afghanistan a suscité depuis bien longtemps curiosité, amitié et même une certaine fascination chez les voyageurs, coopérants, humanitaires, lecteurs français. Et en retour les Afghans ont regardé la France avec tendresse. D’où des relations profondes et durables.

Un centenaire culturel et pédagogique
par Omar SAMAD
Les relations diplomatiques entre la France et l’Afghanistan sont passées par des hauts et des bas au gré des événements, mais la relation franco-afghane est d’abord culturelle. Regardant vers l’avenir, Omar Samad appelle à tirer les leçons du passé.

Cent années de relations-Petite chronologie de l’amitié
Dans cette chronologie nous avons choisi chaque année un élément marquant de la relation franco-afghane. Pour une chronologie plus détaillée on peut se reporter à celle des 70 premières années parue dans le n°58-59 des Nouvelles d’Afghanistan, ou à celle des 90 premières années parue dans le le livre « 90 ans de relations France-Afghanistan » publié par le CEREDAF.

Alfred Foucher, l’éclaireur
par Philippe MARQUIS
Le nom d’Alfred Foucher (1865-1952) est très étroitement associé à celui de la coopération franco-afghane. Fondateur de la Délégation archéologique française en Afghanistan, il fut aussi le premier représentant diplomatique de la France à Kaboul, avant même l’arrivée du premier ambassadeur en Afghanistan, son presque homonyme Maurice Fouchet.

Dires de diplomates, de politiques, d’artistes…
éléments rassemblés pour l’essentiel par Régis KOETSCHET

Une histoire d’amitié

Que dit l’ami Pencroff ?
par Zia FARHANG
De l’attirance d’un jeune Afghan pour la France, grâce à la littérature française partagée dans une chaude ambiance familiale, en passant par l’évocation émue de tous ceux -professeurs, politiques, humanitaires (et aussi soldats français)- qui ont transmis avec enthousiasme leur savoir et des valeurs humaines jusqu’à l’espoir que la France « pays des Lumières et des Droits de l’homme » se placerait (encore et toujours) aux côtés des démocrates afghans… Forte célébration de cette histoire d’amitié entre la France et l’Afghanistan.

Un accueil sans failles
par Isabelle DELLOYE
Nombreux ont été les voyageurs à « sillonner » l’Afghanistan dans les années 70, soit en y faisant du tourisme, soit en y travaillant. Isabelle et Emmanuel Delloye font partie de ces derniers qui ont été profondément marqués par le pays et par la gentillesse de ses habitants.

 Souvenirs personnels
par Ismael PAIENDA
Se souvenant de son itinéraire depuis qu’il fut élève du lycée Esteqlâl, l’auteur célèbre la « merveilleuse amitié » reliant Français et Afghans et attend le jour de retrouvailles « autour d’un thé » en Afghanistan

Retrouvailles des anciennes de Malalaï
par Chafica HAQUANI
Créé en 1939 avec le concours d’une professeure française, Madame Fraissé, le lycée Malalaï a été un haut-lieu de la promotion féminine. Il aimerait pouvoir le rester. Ses anciennes élèves entendent entretenir sa mémoire.

Un attachement inexpliqué
par Chahir ZAHINE
Etudier avec des professeurs français, côtoyer des humanitaires français, s’imprégner de la culture française laisse des traces indélébiles. Ne serait-ce que l’amour de la liberté ? Même absente, la France reste d’une certaine manière présente.

Cent ans de changement…. et de fidélité
par Torek Farhadi
Article inédit sur le site d’AFRANE

Côté femmes

Donner naissance à Kaboul
par Christiane THIOLLIER
Christiane Thiollier évoque cette expérience forte que fut pour elle d’accoucher à Kaboul. Et rend hommage aux femmes françaises qu’elle a connues à Kaboul. Elle a souhaité avec ce témoignage exprimer, à travers une approche personnelle, ce que peut être une « amitié franco-afghane », la connaissance par le cœur.

Trois femmes d’exception
par Jean-Michel MARLAUD
Depuis Malalaï, l’héroïne mythique de la lutte contre les Anglais, le combat des femmes afghanes pour sortir de leur claustration, leur détermination sont des éléments dont les autorités afghanes sont obligées de tenir compte.

Comment aider les femmes ?
par Françoise HOSTALIER
Rappelant la situation dramatique des femmes en Afghanistan, Françoise Hostalier, très active dans toutes les actions en faveur de ce pays, estime que « la pire des erreurs serait de détourner la tête ».

Proches

Un siècle de fraternité
par Guy CAUSSÉ
La médecine est, avec l’éducation, un domaine où la France a été particulièrement présente à la fois par une coopération institutionnelle et par les ONG. Guy Caussé, qui a accompli d’innombrables missions en Afghanistan, souligne la durée et la profondeur de cet engagement qui doit continuer.

Istalif, un haut lieu de la relation franco-afghane
par Nasrine NABIYAR
Le village d’Istalif, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Kaboul, a été longtemps un lieu incontournable d’excursions et d’emplettes pour les Français de Kaboul. Une enfant du pays nous en dit plus sur ce lieu un peu magique, célèbre par ses poteries bleu turquoise.

Au risque aigu de leur vie
par Michael BARRY
La mort récente de Joe Rabette, « compagnon de tant de missions », a bouleversé Michael Barry. En lui rendant hommage il rend aussi hommage à tous les humanitaires français qui sont partis comme lui sur les routes escarpées de l’Afghanistan pour soigner ou pour aider. Il réfléchit aussi sur les raisons de cet engagement collectif. Une dette à payer après la seconde guerre mondiale ?

Journalistes et humanitaires morts en Afghanistan
Lors de la Journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme du 11 mars 2020, une cérémonie a eu lieu à l’ambassade de France en Afghanistan lors de laquelle M. Chérif Castel, chargé d’affaires, a évoqué la mémoire d’un certain nombre d’humanitaires et de journalistes morts en Afghanistan durant l’époque récente. Nous avons extrait de son intervention ces courts passages auxquels nous avons rajouté quelques noms.

Et demain?

L’hôpital français de Kaboul – Un laboratoire d’essais
par Éric CHEYSSON
La santé a été depuis 1947 un secteur privilégié de l’aide française en Afghanistan et La Chaîne de l’espoir, avec son hôpital connu à Kaboul sous le nom d’« hôpital des Français », en est un des fleurons. Mais à présent son avenir est incertain notamment du fait du départ de nombreux soignants.

Pour que perdure notre engagement – Diplomatie par vents contraires
par Régis KOETSCHET
Observateur engagé de la situation en Afghanistan, attentif à l’humain et convaincu de l’importance d’une approche culturelle dans les relations diplomatiques, Régis Koetschet souhaite que « perdure notre engagement ».

Et maintenant ?
par Nadjibullah MANALAÏ
1922, c’était le début des relations diplomatiques en Afghanistan, de la DAFA, du lycée Esteqlâl… et le début d’une coopération culturelle d’importance. La poursuivre demandera de la créativité.

Un centenaire pour préparer le futur
par Éric LAVERTU
Nous extrayons d’un texte plus important, disponible sur le site d’AFRANE, sa conclusion tournée vers l’avenir et qui appelle à ne pas désespérer
La lecture de cet article complet vous est offert en ligne sur notre site.

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