Couverture du N°167 des Nouvelles d’Afghanistan

Editorial du N°167 des Nouvelles d’Afghanistan, par Régis Koetschet


L’Afghanistan et la marche du monde


Vu de Kaboul, son « centre habité » selon l’empereur Babour, le monde ne tourne pas rond.

Le président des Etats-Unis, celui-là qui est venu fêter Thanksgiving à Bagram, est soumis à une procédure de destitution pour des faits de mauvaise gouvernance. Les pays de l’OTAN réunis à Londres ne parviennent pas à s’entendre sur une définition du terrorisme contre lequel ils ont combattu. Au Sahel où l‘obscurantisme croise la grande criminalité, des armées et des populations musulmanes sont frap­pées par une violence meurtrière « au nom de Dieu ». À Alger, à Beyrouth, on dénonce la corruption et la confiscation de l’État.

L’Afghanistan se découvre d’inattendus congénères, au fond de la classe.

Des réputés « grands élèves » du voisinage sont montrés du doigt : la Chine pour la répression des Ouïgours, l’Inde pour la marginalisation des musulmans, la Birmanie pour le génocide des Rohingya, l’Iran pour les violences faites aux mani­festants. La publication par le Washington Post des « afghan papers » met à nu les défaillances du « surveillant général » lui-même.

Dans ce contexte régressif, l’Afghanistan ferait presque figure d’élève en léger progrès.

On y attend – résigné et désillusionné mais dans le calme – les résultats de l’élec­tion présidentielle ; on n’y pratique pas la violence d’État et les minorités n’y sont pas pourchassées par le pouvoir.

Ce « bulletin » ne vise pas à relativiser les propres responsabilités de l’Afgha­nistan mais à montrer la complexité d’une situation qui, quelque part, s’impose à lui depuis l’intervention soviétique de 1979 – il y a tout juste quarante ans. Il inscrit aussi de plein pied l’ex-royaume de l’insolence dans la mondialisation, ses ques­tions globales, ses routes migratoires et ses « fake news ».

La « photo de classe » nous invite à rester mobilisés pour l’Afghanistan. Particu­lièrement auprès de ceux qui dans les écoles, les universités, les media, la société civile, les communautés villageoises portent l’engagement d’un renouveau. Parfois jusqu’au sacrifice.

C’est pourquoi il faut saluer l’exposition organisée au MUCEM de Marseille sous le puissant titre « L’Afghanistan au risque de l’art ». Onze artistes contemporains qui témoignent avec leur talent et leurs tripes de leur liberté de créer, de se révolter, d’aspirer à une société plus tolérante.

L’exposition porte en sous-titre le mot « Kharmohra » – glande située dans la gorge de l’âne qui durcit en séchant – comme pour se défier d’une croyance popu­laire selon laquelle le mollah, faisant contre rétribution des invocations pieuses, donnerait à cette « pierre de l’âne » la vertu de réaliser des vœux. Et accessoire­ment de permettre toutes sortes de manipulations, celles-là mêmes qui conduisent au fond de la classe.

Régis KOETSCHET
Le 16 décembre 2019


Sommaire du N°167 des Nouvelles d’Afghanistan


Géopolitique

La violence sectaire dans le conflit afghan
par Amin TARZI
Bien que datant de 2018 et ne prenant pas en compte certains développements récents, nous avons pensé que ce texte d’Amin Tarzi éclairait de manière substantielle certaines évolutions dans la politique des Tâlebân et des Etats voisins de l’Afghanistan. Nous remercions Amin Tarzi de nous avoir autorisés à donner une traduction des principaux passages de son texte.

Société

La participation des femmes au processus de paix, pourquoi est-ce important
par Habiba SARABI
Habiba Sarabi fait partie de ces femmes afghanes, militantes nées. Elle est connue en France pour avoir été la première femme à oc­cuper en Afghanistan un poste de gouverneur. Elle est à présent engagée dans le Conseil Supérieur pour la Paix et, à ce titre, dans les négociations avec les Tâlebân. Elle a participé en octobre au Congrès de Mères pour la Paix où elle parlé du rôle des femmes dans le pro­cessus de paix.

Education

Bâmyân et francophonie
par Nassim IBRAHIMI
Nous avons rencontré Nassim Ibrahimi début novembre à l’Université de Bâmyân. C’est un homme dynamique, qui respire la joie de vivre et le bonheur d’être francophone. Il nous parle de Bâmyân, de son Centre franco-afghan et de ses élèves eux aussi amoureux de la langue française.

Un projet pédagogique
par Anne-Valérie BARDOT
Dans le cadre de son action pédagogique, AFRANE organise des échanges épistolaires entre des classes françaises et des classes afghanes. Cela peut donner lieu à un véritable projet éducatif comme dans le cas de cet échange entre une école de Djalâlâbâd et un Institut d’Education Motrice et de Formation Professionnelle de la région nantaise.
La lecture de cet article vous est offerte en ligne.

Histoire

La création de l’Etat Ahmad Châhi
par Zia FARHANG
Le récent colloque du CEREDAF sur Histoire et Mémoires a rappelé la nécessité d’arriver à écrire une histoire afghane non plus officielle, mais davantage en accord avec les faits tels que rapportés par des sources indépendantes, variées et analysées avec rigueur. Dans le texte ci-dessous, Zia Fahrang confronte les manuels scolaires d’histoire avec une pluralité de sources concernant l’avènement du «fondateur de l’Afghanistan moderne».

Littérature

Quatrain de ‘Attar
entretien avec Jalal ALAVINIA
A l’occasion de la sortie de sa nouvelle traduction, ‘Attâr, Quatrains, nous avons eu le privilège de nous entretenir avec Jalal Alavinia, qui nous présente à la fois ‘Attâr, « le droguiste » ou mieux « le parfumeur », et tout le contexte des mystiques qui ont puisé dans l’islam les fondements d’une « religion de l’amour ». Avec finesse et discrétion il nous introduit dans les profondeurs de l’âme persane.

Un thé vert avec…

Michèle Alliot-Marie
par Régis KOETSCHET
Michèle Alliot-Marie a effectué de nombreux voyages en Afghanistan durant ses mandats ministériels. Elle en a été marquée. Mais elle a aussi marqué des fillettes afghanes qui se sont mises à rêver de devenir elles-mêmes… ministre de la Défense. Régis Koetschet a pris le thé avec elle.

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Enfin les résultats de la présidentielle
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